La cyberdiplomatie ou diplomatie numerique ? – Partie 1

Le débat sur la diplomatie à l’ère numérique a été imprudemment obstrué de terminologies vagues. Des termes tels que la diplomatie électronique, la cyber diplomatie ou la diplomatie numérique ont été utilisés de manière presque interchangeable, chaque auteur restant fidèle à son favori. Cela cache une confusion considérable sur la relation entre la diplomatie et le monde numérique. Cette tendance mène à confondre deux activités très distinctes. Afin d’éviter cet amalgame, il est important d’y apporter un éclaircissement.
Le terme « diplomatie numérique » s’utilise pour désigner l’utilisation d’outils et de techniques numériques dans le cadre diplomatique, tandis que le terme « cyber diplomatie » désigne l’utilisation des outils diplomatiques et l’état d’esprit diplomatique pour résoudre les problèmes qui se posent dans le cyberespace.
Selon ces définitions, la diplomatie numérique et la cyber diplomatie peuvent être menées par des acteurs étatiques et non-étatiques, y compris des entreprises et des ONG. Le terme « e-diplomatie » est moins courant et englobe ces deux formes de diplomaties virtuelles.

La diplomatie numérique est essentiellement un instrument. Les gouvernements et les acteurs non-étatiques ont des objectifs qu’ils veulent sécuriser tout en développant une stratégie diplomatique pour les atteindre. Cette stratégie comprendra un large éventail d’outils et de techniques, y compris des outils numériques. Ces outils peuvent améliorer l’analyse, l’engagement avec les principales parties prenantes et influencer les débats politiques dominants. Ils peuvent également soutenir la pratique de la diplomatie au sein des consulats. Ils ne se limitent pas aux médias sociaux – qui présentent une certaine valeur à condition qu’ils soient utilisés de manière stratégique – mais incluent l’analyse web, le Big Data, l’exploration de données, les plateformes numériques pour la génération de scénarios ou encore la simulation de conflits et la gamification (l’utilisation de jeu pour l’éducation et façonner les environnements politiques). Les principaux défis de la diplomatie numérique comprennent le développement d’outils numériques adaptés à la poursuite de stratégies diplomatiques (plutôt que de dépendre de produits commerciaux standard), la création d’espaces efficaces où les acteurs étatiques et non étatiques peuvent se réunir pour façonner les débats géopolitiques clés, et l’évolution de la diplomatie elle-même pour intégrer la future génération de digital leaders natifs du numérique.

Cependant, le cyberespace n’offre pas uniquement des outils numériques pour une poursuite plus efficace des stratégies diplomatiques. Il génère également toute une série de questions de gouvernance qui peuvent bénéficier des techniques et de l’état d’esprit du diplomate. Par exemple, la question de la gouvernance sur l’Internet et le rôle de l’ICANN (Société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet) a suscité un débat suscitant auprès des gouvernements, des entreprises et des ONG. Les types de coalitions hétérogènes à plusieurs niveaux qui ont émergé ressemblent à celle qui sont au cœur d’autres problèmes mondiaux comme le changement climatique. Les compétences et l’état d’esprit nécessaires pour construire et maintenir de telles coalitions sont essentiellement diplomatiques. Il en va de même pour la cybersécurité. Alors que la plupart des entreprises dépendent toujours d’une défense technique et périmétrique, le développement de stratégies diplomatiques plus larges et tournées vers l’avenir peut renforcer la cybersécurité. Promouvoir la collaboration entre les gouvernements, les entreprises et d’autres parties prenantes clés ainsi que l’identification et la dissuasion des pirates potentiels, permettront de convaincre l’opinion publique de la culpabilité des pirates plutôt que celle des entreprises.

L’utilisation des outils numériques pour promouvoir des programmes diplomatiques plus larges et l’application des techniques et mentalités diplomatiques pour analyser et gérer les problèmes qui se posent dans le cyberespace sont des activités distinctes, bien que liées.

L’évolution d’internet et des nouvelles technologies ont généré une série de problèmes comme la cyberguerre, la cybersécurité et la gouvernance d’Internet. La diplomatie s’avère être un outil crucial pour résoudre ces différentes questions.

Par Guy-Stéphane Bouedy, Consultant en relations internationales & diplomatie