Dynamiques conflictuelles dans l’espace numérique – Partie 1

Nos sociétés modernes ont définitivement envahi le cyberespace. Ce dernier rassemble virtuellement l’ensemble des enjeux stratégiques auxquels nombre d’acteurs sont soumis : économie, santé, infrastructures civiles, sécurité publique, sécurité nationale… Les capacités militaires deviennent d’ailleurs particulièrement dépendantes des innovations technologiques cybernétiques.

La technologie informatique est en plein essor et son émergence la place en tant que force essentielle dans la guerre économique actuelle. Les armes cybernétiques sont ainsi indispensables. Dans ces offensives, la faiblesse des équipements n’a pas sa place et représenterait un retard stratégique et tactique dangereux. Cette vulnérabilité peut en effet constituer un obstacle majeur à la prospérité de nombreux acteurs.

Les attaques contre les infrastructures informatiques sont de plus en plus fréquentes, tous secteurs confondus. Nul besoin de prouver que le cyberespace pose de sérieux problèmes. Des centaines de millions de dollars ont déjà été volés, ainsi qu’une quantité considérable de propriétés intellectuelles et d’informations militaires sensibles.

Plus vaste, plus complexe mais aussi de moins en moins protégé avec l’accélération de la révolution digitale et la multiplication des objets connectés, le cyberespace génère aujourd’hui de nouveaux risques pour les entreprises et les Etats ; d’où la nécessité d’une approche basée sur la prise en compte de l’intégration de la cybersécurité au rang de priorité stratégique par les équipes dirigeantes et les gouvernements.

Le cadre ainsi posé, il tombe sous le sens de se demander de quelle(s) manière(s) le numérique change la perception des dynamiques conflictuelles ?

Le numérique est un facteur de rupture stratégique et, en ce sens, l’analyse de trois opérations – l’infiltration, l’implantation et l’exploitation – représentera un premier élément de réponse à cette problématique de bouleversement des rapports de force.

Le numérique en tant que facteur de rupture stratégique

La révolution numérique a plongé le monde dans une nouvelle ère. Cette dynamique, qui a profondément transformé la société et l’économie mondiale depuis plus d’un demi-siècle, est le résultat d’une succession de grandes percées technologiques.

  • La première fut la numérisation avec la conversion et le stockage d’informations comme du texte, ou encore une image sous forme de signaux numériques.
  • La seconde découle de la connectivité à travers les microprocesseurs.
  • La troisième avancée repose sur l’émergence d’algorithmes toujours plus sophistiqués qui, après avoir permis le développement des moteurs de recherche, sont actuellement au cœur des techniques d’analyse de données massives dites big data et de l’intelligence artificielle.

Ces avancées technologiques ont contribué à la création d’un nouvel espace devenu nouveau théâtre de guerre : le cyberespace. Ce cyberespace, non-seulement un espace de communication, est caractérisé par l’interconnexion mondiale de l’équipement de traitement automatisé de données numériques. Cet espace est basé sur l’activité de réseaux. L’accélération des échanges virtuels s’est inscrite dans un volet transgressif et s’est traduite par l’apparition et la croissance du piratage informatique.

Ces différentes caractéristiques du cyberespace transforment de manière beaucoup plus radicale trois activités longtemps subordonnées aux actions conventionnelles des services de sécurité et de défense : l’espionnage, le sabotage et l’influence. Ces trois opérations démarrent toutes par une phase d’infiltration, suivie d’une étape d’implantation puis d’une partie consacrée à l’exploitation. Une phase de reconnaissance de la cible est évidemment effectuée en amont de ces opérations. Elle permet de comprendre la structuration des systèmes informatiques de l’organisme ciblé, d’identifier les technologies utilisées pour mieux appréhender et pénétrer, par la suite, son système.

Cette analyse sera présentée en différents articles représentant chacun une opération. Elle sera nourrie d’exemples concrets pour démontrer l’ampleur du numérique dans le quotidien des acteurs économiques mondiaux.

Dossier rédigé par Yannick Houphöuet, contributeur CIberObs