Les implications géopolitiques du cyberespace – Introduction

La crise sanitaire que traverse les différentes économies mondiales a eu impact significatif sur le mode de vie des individus ainsi que sur les modèles d’organisation et de fonctionnement des entreprises. Ces dernières qui accusaient un retard sans précédent en la matière ont dû embrasser un virage en vue de pérenniser leurs activités, il s’agit du virage du numérique. La bonne compréhension des enjeux structurant le cyberespace apparait plus que jamais comme étant une priorité stratégique. Dès lors, l’espace numérique, loin d’être uniquement perçu comme étant un lieu d’interaction entre individus ou encore un nouveau marché d’opportunité à conquérir pour les entreprises, représente aujourd’hui un véritable enjeu de pouvoir pour les Etats. Qui dit enjeux de pouvoirs sous-entend de facto un espace de conflictualité et de domination pour les Etats. Néanmoins, à travers un autre prisme, le cyberespace apparait également comme étant un moyen, un outil dans la stratégie d’affirmation de la puissance et de la souveraineté d’un Etat. 

Comme l’affirmait le Général d’armée André BEAUFRE, « la guerre n’a cessé d’évoluer au cours de l’histoire ». Il est de notoriété publique qu’une mutation des conflits mondiaux s’est effectué. Aujourd’hui nous assistons davantage à des conflits intraétatiques (à l’intérieur des Etats) et qui revêtent des formes multiples à l’instar des guerres asymétriques ou encore des guerres irrégulières, qu’à des conflits interétatiques (entre États) à travers notamment le jeu des alliances.

La question qui se pose dorénavant est de savoir si les Etats, plus que jamais connectés à travers le processus de mondialisation, (bien que quelque peu remis en question à travers l’accession au pouvoir de dirigeants arborant des politiques jugées davantage protectionnistes), s’achemineront vers une véritable guerre sur l’espace numérique. A en croire certains médias, les déclarations d’officiels ou encore certaines agences et entreprises de cybersécurité, elle a d’ores et déjà commencé et pourrait prendre des proportions inattendues dans les années à venir. Dès lors, les analogies vont bon train : « cyberguerre », « cyberterrorisme », etc…Le rôle du numérique dans la résolution de ces conflits n’est également pas à négliger comme le mettent en exergue les notions de « cyber diplomatie », désignant l’utilisation des outils diplomatiques et l’état d’esprit diplomatique pour résoudre les problèmes qui se posent dans le cyberespace ou encore la « diplomatie du numérique » qui souligne l’utilisation de techniques numériques dans le cadre diplomatique. (Faire référence à l’article de Guy-Stéphane Bouedy). 

Pour de nombreux États, la prise de conscience date du 27 avril 2007, lorsque des attaques informatiques par le biais de « botnets » – réseau d’ordinateurs infectés par un logiciel malveillant afin qu’il puisse être contrôlés à distance, les forçant ainsi à envoyer des pourriels, à répandre des virus ou à réaliser des attaques par déni de service (DDos) à l’insu des véritables propriétaires des ordinateurs et sans leur approbation, ont paralysé les serveurs des services publics de l’Estonie, suite au déplacement d’un monument (le Soldat de Bronze de Tallinn) à la gloire des soldats soviétiques. L’année suivante, des cyberattaques venaient en appui des armes conventionnelles dans l’offensive russe contre la Géorgie. S’il s’est révélé impossible à l’époque de prouver la responsabilité de l’État russe – qui a toujours démenti – son implication dans ces attaques, nombre de pays ont ainsi réalisé à quel point ils étaient vulnérables face à de telles menaces et ont commencé à mettre en place des stratégies et à se donner les moyens d’y répondre. 

Ainsi, force est de constater que les outils informatiques font désormais partie intégrante de la plupart des conflits géopolitiques contemporains et conduisent de facto à l’émergence de nouvelles menaces, diffuses et imprévisibles. Les cyberattaques sont difficiles à anticiper, à détecter, à attribuer, à décourager et à contrer. Leur spécificité rend ainsi les paradigmes stratégiques classiques et les règles internationales obsolètes, à l’heure où les États mènent dans le cyberespace des opérations qui s’apparentent parfois à des déclarations de guerre. 

Dossier rédigé par Yannick Houphöuet, contributeur CIberObs